Alzheimer, la perte de neurones ne semble pas la bonne piste !
Introduction
La maladie d’Alzheimer (MA) se caractérise par une perte progressive et sévère des capacités cognitives. L’accumulation de deux dépôts de peptide bêta-amyloïde (Aβ) sous la forme de plaques et d’enchevêtrements neurofibrillaires composés de protéine tau hyperphosphorylée sont des caractéristiques morphologiques de la MA. Les rôles pathogènes de Aβ et de tau ne sont pas clairement compris et font toujours l’objet de controverses 1 , 2 .
En outre, la perte neuronale et synaptique hétérogène et spécifique à la zone est décrite dans AD 3 , 4 , 5, 6 , 7 , 8 , 9 , 10 , 11. Une méta-analyse récente a rapporté que la gravité de la déficience cognitive est souvent corrélée avec l’ampleur de la perte synaptique 12 . Ces observations suggèrent que la perte synaptique est un marqueur commun de plusieurs types de démences à travers les régions du cerveau 13 , 14 .
En conséquence, AD doit avoir des effets sévères sur l’équilibre neurochimique délicat dans les zones du cerveau telles que le cortex cérébral. Identifier la vulnérabilité de divers systèmes de neurotransmetteurs dans la MA pourrait conduire à l’identification de nouvelles stratégies pharmacothérapeutiques qui visent à soulager la démence.
Le glutamate est le neurotransmetteur excitateur majeur dans le cerveau qui est particulièrement pertinent dans le cortex cérébral. Le sort de la neurotransmission glutamatergique dans AD a fait l’objet de nombreux rapports. En particulier, une transmission glutamatergique excessive et l’excitotoxicité qui l’accompagne sont souvent considérées comme un acteur clé dans la perte neuronale associée à la MA et à d’autres pathologies neurodégénératives
MALADIE D’ALZHEIMER
La perte de neurones ne semble pas la bonne piste
Une recherche franco québécoise sur 17 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer remet en cause le caractère dégénératif de la maladie par une perte de neurones
Le suivi de huit marqueurs neuronaux ou synaptiques situés dans le cortex préfrontal, a révélé de très faibles pertes de neurones et de synapses. Les chercheurs ont également montré qu’il n’y a pas de corrélation entre la baisse des synapses et le niveau de démence. Ils en concluent que les manifestations de la maladie d’Alzheimer semblent liées à un dysfonctionnement des synapses, et non à leur diminution.
La piste oxydative confortée
L’inflammation et le stress oxydatif favorisent les processus dégénératifs et contribuent naturellement à la maladie d’Alzheimer.
Une recherche de l’université d’Arizona vient de montrer qu’une forme de la protéine ß amyloïde, l’oligomère a-bêta, perturbe le fonctionnement des mitochondries. Cela conduit à un déficit du métabolisme énergétique, ce qui est constaté dès les stades précoces de la maladie.
Ce dérèglement pourrait être le mécanisme majeur de la maladie, les dépôts de plaques amyloïdes n’étant qu’une réponse à la situation ou un épiphénomène. Certains sujets âgés ont d’ailleurs de forts dépôts, sans signes cognitifs.
Cette nouvelle piste ouvre une voie de recherche vers de nouveaux médicaments, protecteurs des mitochondries cérébrales. Elle pourrait aussi conforter deux voies naturelles qui, n’étant pas brevetables, ne seront probablement pas approfondies :
- Le régime cétogène (avec ou sans huile de coco) qui améliore l’oxygénation quand l’utilisation du glucose par les cellules cérébrales est altérée.
- La complémentation en coenzyme Q10 est à la fois antioxydante et stimulante de la production d’énergie par les mitochondries (les recherches médicamenteuses s’orientent d’ailleurs vers un analogue de ce composé naturel).
Alzheimer, inflammation
» Alzheimer, le grand leurre «
Ce livre publié par le Professeur Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie de l’hôpital européen Georges Pompidou et Éric Favereau, journaliste santé à Libération tente de démontrer que la maladie d’Alzheimer n’est pas une réalité médicale, mais une construction sociale, pour décrire la vieillesse.
Cette maladie ne serait qu’une expression particulière de la dégradation cérébrale sous l’effet du vieillissement.
Ce point de vue conforté par les deux recherches précédentes conduit à une meilleure acceptation de la maladie. Elle oriente vers une prévention et des soins analogues à ceux utilisés face au vieillissement.
Des patients qui guérissent…
» La fin d’Alzheimer » est la traduction française du livre de Dale Bradesen consécutif à une publication parue en 2016. Il décrit son programme ReCODE, personnalisable, qui apporte des améliorations nettes chez la moitié des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, après 3 à 6 mois. Ce programme doit ensuite être poursuivi pour éviter un retour des symptômes.
La méthode a été conçue en identifiant 36 facteurs qui contribuent au processus de dégénérescence dans trois domaines : accroissement de l’inflammation, déficiences nutritionnelles, et agressions toxiques. Le programme, avant tout hygiéno-diététique, peut être individualisé par un bilan biologique.
La fin du remboursement des médicaments ?
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié, le 25 mai 2018, un guide pour la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et d’autres démences. En prenant en compte les données actuelles, ce guide souligne l’absence de pertinence clinique de l’efficacité des médicaments et les risques de survenue d’effets indésirables. De ce fait, ils n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique. La logique voudrait donc qu’ils ne soient plus remboursés.
Le « village Alzheimer », solution expérimentale qui montre la voie
Nous avions évoqué dans Lettre aux Praticiens Synphonat n° 43 l’expérience de Weesp près d’Amsterdam aux Pays-Bas. Il s’agit d’un village conçu pour offrir aux sujets atteints de maladie d’Alzheimer un cadre de vie sécurisé qui leur facilite la vie en conservant une relative autonomie. Les résultats observés sont encourageants, en termes de qualité de vie, d’évolution de maladie, et de plus faible recours aux médicaments. Le seul inconvénient était le coût élevé de fonctionnement.
Une expérience similaire est en projet en France, dans un espace clos de 5 hectares à la périphérie de Dax. Il est prévu pour accueillir 120 personnes, encadrées par une centaine de soignants et autant de bénévoles, avec un coût prévisionnel de 60 €/jour.
Cette solution accepte la maladie et facilite l’existence des malades en adaptant leur cadre plutôt que de s’acharner à vouloir les changer. Un tel projet va dans le sens de toutes les données récentes sur la maladie. Il pourrait montrer l’exemple d’une voie réellement bénéfique.
Alzheimer : une perte neuronale très limitée
Menée sur plus de 170 sujets atteints d’Alzheimer à des stades différents, l’étude de l’équipe dirigée par Salah El Mestikawy (Institut universitaire en santé mentale Douglas, Canada) et Stéphanie Daumas (Université Pierre et Marie Curie, France) montre au contraire que la maladie s’accompagne d’une faible diminution de marqueurs neuronaux et synaptiques.
« En étudiant le devenir de huit marqueurs neuronaux ou synaptiques situés dans le cortex préfrontal de nos sujets, nous n’avons constaté, à notre grande surprise, que de très faibles pertes de neurones et de synapses. Notre étude suggère donc que, contrairement à ce qu’on pensait, la perte neuronale et synaptique est relativement limitée dans la maladie d’Alzheimer. C’est un changement radical de perspective », explique Salah El Mestikawy, professeur agrégé à l’université McGill.
Les scientifiques ont par ailleurs cherché à corréler l’ensemble de ces baisses synaptiques limitées avec le niveau de démence des participants étudiés. Selon leurs résultats, ils constatent que les baisses des biomarqueurs synaptiques n’auraient que peu d’impact sur les capacités cognitives des sujets.
Vers d’autres thérapies
En filigrane, l’étude suggère ainsi que la démence serait liée à un dysfonctionnement des synapses plutôt qu’à leur disparition du cortex des patients. L’identification de ce dysfonctionnement pourrait permettre la mise au point de traitements efficaces de cette maladie.
« Jusqu’à aujourd’hui, les interventions thérapeutiques visaient à ralentir la destruction des synapses. D’après notre étude, il va falloir changer notre approche thérapeutique », indique Salah El Mestikawy.
Selon la Société Alzheimer du Canada, la maladie d’Alzheimer ou une autre forme de démence touche actuellement 564 000 Canadiens. 937 000 en seront atteints dans 15 ans. À ce jour, il n’existe aucun traitement réellement efficace pour traiter la maladie d’Alzheimer.
Ces travaux de recherche ont été financés par des subventions des Instituts de Recherche de Santé du Canada, de l’Agence Nationale de la Recherche, du Fonds de recherche du Québec — Santé, de la Fondation de l’institut Douglas, de la Fondation Graham Boeckh, de la Canada foundation for innovation, de la Chaire de recherche du Canada, de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, du Centre national de la recherche scientifique et de la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau.
L’article « Moderate decline in select synaptic markers in the prefrontal cortex (BA9) of patients with Alzheimer’s disease at various cognitive stages » a été publié dans la revue Scientific Reports le 17 janvier 2018. Lien vers l’article : www.nature.com/articles/s41598-018-19154-y
Bruno Geoffroy : Organisation: CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal (Douglas Mental Health University Institute) relations.medias.comtl@ssss.gouv.qc.ca
Références et sources :
O. Poirel & al : Moderate decline in select synaptic markers in the prefrontal cortex (BA9) of patients with Alzheimer’s disease at various cognitive stages – Scientific Report,8, article 938. – Article
Diego Mastroeni & al : Oligomeric amyloid β preferentially targets neuronal and not glial mitochondrial-encoded mRNAs – Alzheimer & Dementia, décembre 2018.Article
Olivier Saint-Jean et Eric Favereau : Alzheimer, le grand leurre, Éditions Michalon, avril 2018 – Présentation du livre
Docteur Dale Bredesen : La fin d’Alzheimer – Thierry Souccar Éditions, 2018 – Présentation du livre
Bredesen DE, & al : Reversal of cognitive decline in Alzheimer’s disease. Aging 2016, 8 (6) : p 1250-1258. –Article
Guide HAS
Fin de remboursement des médicaments pour Alzheimer
Lettre aux Praticiens Synphonat n°43 – Octobre 2012
Village Alzheimer à Dax
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