Qu’est-ce que le cannabidiol (CBD) et le débat qui l’entoure
Composant supposément relaxant du cannabis, pour l’instant autorisé en France, le cannabidiol connaît un essor malgré son ambiguïté juridique. Quatre questions pour comprendre.
Qu’est-ce que le CBD ?
CBD est l’abréviation du terme « cannabidiol ». Cette molécule fait partie des nombreux (autour de deux cents, selon l’Organisation mondiale de la santé) cannabinoïdes présents dans le chanvre, aussi appelé cannabis. A l’inverse de l’actif le plus connu de la plante, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), le CBD « est une autre molécule du chanvre qui n’a pas d’effet stupéfiant », précise au Monde Fanny Huboux, chargée de mission juridique pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).
A l’état naturel, certaines variétés de la plante sont davantage chargées en CBD, d’autres en THC. Le cannabis sous forme de drogue, donc illicite, contient généralement autour de 15 % de THC, un chiffre en hausse constante depuis les années 1990. Le cannabis dit « thérapeutique », autorisé dans certains pays et Etats américains, est simplement plus légèrement dosé en THC que celui « de la rue ».
Découvert en 1963, le CBD fait l’objet d’un puissant effet de mode en 2018 : en quelques mois à peine, des dizaines de boutiques spécialisées en produits dérivés ont été ouvertes à travers la France, qui ont trouvé une « faille » légale en vendant des produits présentant très peu de THC, mais une concentration en cannabidiol.
Quels effets procure le CBD ?
Le CBD, qu’il soit présenté sous forme de fleur, d’huile ou de produits alimentaires, n’a pas d’effet stupéfiant sur le consommateur. Autrement dit, pas d’effet « défonce » similaire à celui procuré par le THC. Néanmoins, « des études suggèrent qu’il pourrait bloquer les effets addictifs de certaines drogues d’abus », « moduler les niveaux d’anxiété […] et réduire certaines réponses au stress », explique Stéphanie Caillé-Garnier, neurobiologiste au CNRS, spécialisée dans l’addiction, contactée par Le Monde.
La chercheuse met cependant en garde : « A l’heure actuelle, les données restent très contradictoires en ce qui concerne les effets du CBD sur le système dopaminergique », c’est-à-dire le « circuit de la récompense ». Selon elle, s’il s’avérait que le CBD produit une libération de dopamine — et que l’approfondissement de l’ensemble des connaissances scientifiques sur ses effets psychoactifs le corroborait —, ce dernier pourrait alors être considéré comme stupéfiant au même titre que le THC et que toutes les autres drogues.
Sa culture et sa consommation sont-elles légales ?
En France, c’est la consommation de THC qui est prohibée. Le droit n’interdit pas le CBD à proprement parler : il réglemente le chanvre, la plante dont il est issu. Le THC étant considéré comme stupéfiant, l’article R. 5132-86 du code de la santé publique dispose que « sont interdits la production, la fabrication, le transport […] de cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ».
De la même façon que la morphine — classée produit stupéfiant — fait l’objet de strictes dérogations pour son utilisation médicale, le chanvre dispose d’exceptions similaires (agricoles et commerciales). A des fins industrielles, car la plante est notamment utilisée dans le secteur textile, il est autorisé de cultiver « certaines variétés de chanvre, dont le taux de THC est inférieur à 0,2 % », rappelle la magistrate.
« Le régime juridique n’est pas nouveau, mais de nouvelles utilisations récréatives du cannabis sont apparues », dit Fanny Huboux. Pour autant, il ne faut pas s’y méprendre : « Quoi qu’il en soit, la présence de THC est interdite dans tous les produits finis, même ceux aux CBD », insiste-t-elle.
Pourquoi sa commercialisation crée-t-elle des ambiguïtés ?
Tout est question de clarté dans la formulation. Comme l’explique Mme Huboux, « le taux de THC doit être de zéro » pour tout produit fini. C’est en cela que la commercialisation du CBD est au cœur du débat depuis plusieurs mois : il a régulièrement été présenté comme du « cannabis light » ou un « joint légal ».
Cela a participé à alimenter l’effet de mode, mais aussi à faire régner une certaine ambiguïté autour du produit dérivé. En janvier, Sébastien Beguerie et Antonin Cohen-Adad, les responsables de la société Kanavape, ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Marseille pour avoir commercialisé la première cigarette au CBD française.
S’ils n’ont pas été inculpés de provocation à l’usage de stupéfiant, ils ont été reconnus coupables d’infractions à la législation sur le médicament : au lancement de leur cigarette électronique au chanvre, en 2014, ils l’avaient qualifiée de « première vaporisateuse thérapeutique 100 % légale, déstressante et relaxante ». Des qualités thérapeutiques dont l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) peut se porter garante.
La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a concédé, dimanche 17 juin, sur les ondes de RTL, que « la législation sur les 0,2 % [de THC dans la plante] [pouvait] être un peu floue ». Elle souligne notamment que les commerçants ont tendance à « détourner le droit en disant que leurs cigarettes contiennent moins de 0,2 % de THC », alors que ce taux doit en principe s’appliquer à la plante en début de processus, pas au produit fini. La prétendue présence de THC peut, au contraire, représenter un argument commercial pour les consommateurs en quête de fumette légale.
Sans préciser sous quelle forme, la ministre a assuré travailler en collaboration avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour s’assurer que ces prétendus coffee-shops « auront fermé » d’ici quelques mois.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.